11-Septembre

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Un logiciel rétablit la vérité sur l’attentat du Pentagone

par G. C.
Science & Vie n° 1022
Novembre 2002

Double-page de Science & Vie sur la simulation informatique de l'attaque du Pentagone par l'université de Purdue
L'article de Science & Vie.

(Rubrique : Actualité, Recherche, Informatique)

Des chercheurs américains ont mobilisé une énorme puissance de calcul pour reconstituer le choc du Boeing 757 s'étant écrasé contre le Pentagone, le 11 septembre 2001. Résultat : la résistance du bâtiment et l'absence de débris d'avion s'expliquent scientifiquement.

Les architectes qui établiront les plans de bâtiments capables de résister à des attaques terroristes ou à la chute d'avions de fort tonnage disposeront désormais d'un outil informatique qui leur permettra de constituer des structures plus aptes à supporter les chocs. Cet outil informatique, sous forme d'une simulation, a été mis au point par une équipe d'ingénieurs, d'informaticiens et de graphistes de l'université de Purdue, à West Lafayette, dans l'État d'Indiana, aux États-Unis. La simulation reconstitue en vidéo la séquence de l'écrasement du Boeing 757 sur le Pentagone, siège du ministère américain de la Défense, à Washington, le 11 septembre 2001.

Ce jour-là, l'appareil de la compagnie American Airlines qui effectuait la liaison entre l'aéroport international de Washington (Washington Dulles) et Los Angeles avait décollé à 07 h 10 du matin, avec à son bord 58 passagers, deux pilotes et quatre hôtesses de l'air. Peu après, il était détourné par des terroristes, qui avaient contraint l'équipage à rebrousser chemin puis à s'écraser sur le Pentagone à 08 h 45, heure locale de Washington.

Les scientifiques américains ont reconstitué le fil de la catastrophe à partir des témoignages visuels, des données du vol et de l'état de la partie du Pentagone qui a subi l'attentat. Selon les ingénieurs, l'impact de la structure de l'avion lui-même – fuselage, ailes et réacteurs – a causé peu de dégâts car cette structure étant très légère, elle s'est désintégrée sous le choc. Les matériaux qui la constituaient ont ensuite été détruits par la combustion du kérosène, ce qui expliquerait que l'on n'en ait pratiquement pas retrouvé de traces sur place. La force d'impact a été constituée par la masse du carburant présent dans les réservoirs et celle du fret embarqué dans les soutes.

Arrivée du Boeing 757 dans la simulation de l'université de Purdue
L'arrivée simulée du Boeing 757, avant qu'il ne percute le bâtiment.

Le carburant s'enflamme lorsque le Boeing 757 frappe le Pentagone, selon la simulation de l'université de Purdue
Au moment de l'impact, le carburant s'enflamme.

Pour le carburant, qui constituait l'essentiel de cette masse, on peut estimer qu'il représentait plus de 20 tonnes, selon les calculs effectués par des pilotes peu après l'attentat. L'avion a percuté le bâtiment à plus de 800 km/h, ouvrant une brèche de 60 m de large dans la façade, avant que le carburant ne s'enflamme. Ici, les chercheurs comparent l'impact à celui que causerait une énorme rivière s'écrasant contre le Pentagone. Pourtant, le bâtiment a remarquablement résisté au choc, contrairement aux deux tours du World Trade Center de New York. Cela s'explique par le mode de construction du Pentagone.

Le kérosène : dix fois plus explosif que le TNT
Les quatre avions détournés par des terroristes le 11 septembre 2001 assuraient tous des vols transcontinentaux, entre la côte est et la côte ouest des États-Unis. Ils transportaient donc de très importantes quantités de carburant. À masse égale, le kérosène qui alimente les réacteurs possède intrinsèquement une puissance explosive dix fois supérieure à celle du TNT, le plus puissant explosif classique (non nucléaire) connu. Cependant, pour que cette puissance se manifeste, il faut que le carburant dispose d'un oxydant en quantité suffisante pour assurer un mélange détonant. Ce ne fut pas le cas lors des attaques aériennes menées contre le World Trade Center ou le Pentagone. Seule une infime partie du kérosène explosa véritablement. Le reste s'enflamma et brûla à l'intérieur des bâtiments.


Destruction de piliers du Pentagone par le Boeing 757, selon la simulation de l'université de Purdue
L'avion s'est désintégré sur les piliers de soutènement en béton armé, lesquels ont résisté au choc de la masse des 20 tonnes de carburant.


Une "forêt" de piliers

Le bâtiment est, en effet, constitué d'un "squelette" de piliers portants en béton armé précontraint, les piliers étant eux-mêmes renforcés par une barre métallique en spirale qui les entoure à l'extérieur. Cette technique de construction était très utilisée il y a une soixantaine d'années. La "forêt" de piliers a pu ainsi absorber la plus grande partie de la force d'impact.

Le Pr Mete Sozen, spécialiste du calcul des structures, a d'ailleurs créé un modèle mathématique qui simule lesdits piliers. À partir de là, Christoph M. Hoffmann, professeur en informatique, a pu reconstituer les détails de l'impact de l'avion par la méthode dite des "éléments finis", qui consiste à représenter un phénomène physique par de petits carrés dont chacun contient les détails physiques caractéristiques de ce phénomène à un instant donné. Concrètement, il a fallu plusieurs centaines de milliers de ces "éléments finis" pour représenter le choc de l'avion et ses désastreuses conséquences. Autant de travaux qui ont mobilisé une énorme puissance de calcul et nécessité un temps considérable. À titre d'exemple, il a fallu quelque quatre-vingt-quinze heures de calculs informatiques pour un dixième de seconde de simulation.

Les résultats ont été mis en ligne sur internet par les chercheurs. Ils montrent l'approche du Boeing 757 sur le Pentagone, son impact sur le mur extérieur, puis l'explosion et l'incendie qui vont finalement ravager l'intérieur du bâtiment. Mais ces images, soulignent les chercheurs, n'ont rien à voir avec ce qui peut être parfois présenté à la télévision ou au cinéma pour montrer le côté spectaculaire d'un crash d'avion, censé impressionner le spectateur.

La vidéo de l'université de Purdue a été réalisée à partir de calculs très précis et se veut donc réaliste, la séquence de l'impact se déroulant jusqu'au choc avec les piliers en béton armé du Pentagone, qui sont restés debout. C'est en cela, font observer les chercheurs, qu'elle constitue un outil qui se révélera utile pour les futurs concepteurs de bâtiments "à risque".

On tenait à vous le dire
La fin d'une rumeur ? Publiés à l'occasion du premier anniversaire des attentats du 11 septembre, les travaux des chercheurs sur l'attaque du Pentagone tombent à point nommé. Ils réfutent, si besoin en était, la thèse selon laquelle aucun avion détourné par des terroristes ne s'est en réalité écrasé sur le Pentagone et, partant, que l'attentat faisait en réalité partie d'un plan machiavélique visant à justifier la politique de représailles du gouvernement américain contre Oussama ben Laden. Cette thèse, largement reprise en Europe, a d'ailleurs rencontré très peu d'échos outre-Atlantique.



G. C.